La Manchotière du Cap Ra tmanoff

Cinq heures de marches, voilà 5 heures que nous avançons entre les zones souilleuses et les blocs rocheux. Depuis Fusov, viser les roches jumelles, puis le mont Campbell, en restant sur les "hauteurs" de la zone humide de Courbet, passer au sud est du Grand Etang, rejoindre la source de la rivière des manchots et la suivre jusqu'à l'embouchure..Encore progresser sur ce terrain constitué d'un mélange de sable et de graviers gorgé d'eau. A chaque pas, les chaussures s'enfoncent; Valère et Nico me devancent, la différence d'entraînement se faisant sentir... Finalement, deux ou trois kilomètres avant d'arriver sur la plage de sable noir, les premiers groupes de manchots (quelques centaines par rassemblement). Un peu plus loin, j'entends la manchotière pour la première fois, rien à voir avec les documentaires : les sons de trompettes me font frissonner. Le vent nous porte également l'odeur des quelques 300000 (oui, c'est bien 5 zéros) manchots qui ont élu domicile sur la plage de Ratmanoff... difficile à décrire, difficile à croire.

Lorsque nous posons les sacs à la cabane, je réalise à quel point la colonie est grande. Il faut une bonne demi heure, voire 45 minutes, pour en faire le tour.

C'est un être mobile, qui s'étire, s'étend ou se contracte selon l'heure, les conditions météo. Il est souvent difficile d'arriver à isoler un seul individu parmi les milliers d'oiseaux qui s'étalent sous nos yeux. Le bruit est étourdissant...

Ratmanoff, j'y suis enfin, après 4 mois sur Kerguelen. La cabane, constituée de caisses bois assemblées entre elles pour former

Le long de la plage de sable noir de Ratmanoff, on rencontre également des colonies d'une centaine de nids de papous chacune. Ces petits manchots bien attachant commencent leur reproduction fin août mais l'on trouve déjà des oiseaux début juillet...

En septembre, les plages de Kerguelen se transforme en véritable St Tropez austral. Entre Ratmanoff et Estacade plus au sud, 15 000 femelles éléphants de mer et plusieurs centaines de mâles, jeunes ou aguerris, débarquent pour se reproduire. On les sent, on les entend. Les mâles les plus puissants regroupent jusqu'à 150 femelles, formant ce qu'on appalle des harems, qui sont disposés tous les 50 à 100 mètres les uns des autres. Au milieu, les jeunes éléphants ou bonbons, tentent de rester près de leur mère tout en évitant de se faire écraser par les pachas, les chefs de harem, qui chargent les mâles périphériques tentant de s'accoupler... Les éructations des éléphants résonnent même la nuit, s'ajoutant au bruit de la manchotière, empêchant de dormir paisiblement.

une cuisine, un bloc chambre, est agréable. Comble du luxe, il y a même des toilettes, ce qui évite de se retrouver dans des situations inconfortables au coeur de l'hiver (avoir le pantalon baissé pendant un grain de neige calmant les ardeurs des plus téméraires !). Ayanteu la chance de

voir bouger la manchotière (un premier passage rapide début mars, puis un début mai, 10 jours en juillet pour une manip mémorable avec Luc, Popchat de son état, 4 jours en août, 13 fin
octobre), j'ai pu suivre un cycle presque entier de reproduction.
Les images de cet être resteront à jamais gravées en moi : des radeaux (les regroupements d'oiseaux partant ou rentrant de mer) , de ces ombres blanches qui déambulent sur la plage aux premières lueurs de jour, des groupes compact pendant les tempêtes de neige ou de sable...
Octobre 2003.Allongé dans l'Acaena, au milieu des oiseaux, j'attends que Cathy qui contrôle les nids me dicte ses indications. Le vent est tombé, un jeune papou suit un de ses parents à travers la colonie en quémandant, d'autres adultes rentrent nourrir. Un cri à l'entrée de la papoutière et le jeune qui était en crèche, les regroupements des jeunes manchots émancipés thermiquement, accourt...

Un ) skua survole la colonie dans l'espoir de trouver sa pitance; nous faisons bien attention à ce que les parents ne quittent pas leur nid lorsque nous les contrôlons.

Le vent est tombé, les sons se font plus présents : éléphants de mer en train de défendre un harem, jeune bonbon tout juste né, skua défendant son territoire, ressac de la mer. Je ferme les yeux un instant avant de me relever, doucement, puis de rentrer vers la cabane, à 3 km de là.

Texte et photos : A. Villers